vendredi 1 novembre 2013

We live together we die alone








Jean Rouch et le gore


Avant le dérangeant Africa addio (1966) des mêmes auteurs, Mondo cane est la pierre fondatrice du mondo. Genre qui verra sa fin avec le mythique film Cannibal holocaust de Ruggero Deodato en 1980 et qui verra défiler des noms illustres comme ceux de Chris Marker ou encore Chabrol.
Cantonné à un mauvais sous genre de cinéma d'exploitation le mondo des premiers films est aussi un formidable rêve de gosses, deux amis partant pour l'inconnu (en l'occurence et pour l'époque : l'Afrique); des Bob Morane filmant les prémices d'une société du spectacle, confrontant le spectateur à une violence qui lui est inhabituelle, sans artifices et le gargarisant d'une réalité dérangeante.
Entre néoréalisme italien (dont ils se font les contestataires) et Jean Rouch, le regard de deux fêlés en Afrique.
A lire aussi le livre de deux esthètes du mondo, Sébastien Gayraud et Maxime Lachaud (que j'ai eu la chance de voir en conférence), Mondo movies reflets dans un oeil mort.

 Mondo cane, Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, 1962

vendredi 27 septembre 2013

Je n'ai jamais













Je ne suis jamais allé au Japon. Je ne me suis jamais fait bousculer par une foule de salary men. Je n’ai jamais lu le Jump dans le train. Je n’ai jamais deviné le mont Fuji dans la brume du matin. Je n’ai jamais vu une geisha fumer. Je n’ai jamais lu autant de tristesse dans les yeux d’une infirmière. Je n’ai jamais goûté à la solitude douce et amère d’un bol de ramens. Je ne me suis jamais noyé dans un flacon d’urine. Je ne suis jamais allé sur le plateau de tournage d’un porno. Je n’ai jamais attaché personne à la mousse d’un rocher. Je n’ai jamais franchi le pas d’un convenience store. Je n’ai jamais éborgné personne. Je n’ai jamais observé l’écume des vagues se former dans le sillage d’un bateau. Je n’ai jamais senti mon cœur se serrer devant une jambe cassée. J’ai dérivé dans un Japon fantasmé avec Romain Slocombe.

Tokyo Blue, Romain Slocombe, Isthme éditions (2004)

dimanche 22 septembre 2013

1000 year old acid infused blood





Un film mille fois écouté mais jamais regardé. A venir.
Le Frisson des Vampires, Jean Rollin, (1970)
Film sonore par Acanthus.

vendredi 20 septembre 2013

Spleen


The Sinking Belle (Blue Sheep), Altar, Sunn O))) & Boris (2006)

"Tu ne le sais pas encore mais tu es déjà mort."

C'est sur une image de Ken le Survivant que s'ouvre le numéro 2 de la revue Kaboom. J'y apprends que Jacques Sadoul, premier éditeur de Ken pour les éditions J'ai Lu en parle comme d' " une manifestation d'art but". Quand on voit les titres qui ont suivis dont le magistral Jojo's Bizarre Adventure on ne peut s'empêcher d'admirer le don de prescience et le culot qui lui ont fait publier des œuvres difficilement abordables par un public néophyte et même amateur à une époque où le manga était en plus majoritairement perçu comme une apologie de la violence gratuite qui contribuerait à l'effondrement intellectuel de ses lecteurs (à savoir le gamin de dix ans abruti devant le club Dorothée tous les mercredis matins).

Mais le véritable bijou est le dossier central consacré à la mythique revue Garo qui nous repaît d'articles sur des gens qu'on a peu l'habitude de voir autrement que chez Stéphane Blanquet, le Dernier Cri, Imho, Cornélius ou le Lézard Noir : Takashi Nemoto, Suehiro Maruo, Seiichi Hayashi et surtout du maître Sanpei Shirato, première vague de la revue. Rejetant le manga de divertissement, la compromission narrative et l'asservissement à un système éditorial étouffant la revue d'avant garde Garo a permis dans les années 60 et 70 de voir s'épanouir toutes ces belles fleurs à sucs venimeux.

Voici un extrait de l'interview de Yoshihiro Tatsumi à propos du gekiga : " Aujourd'hui presque tous les mangas relèvent du gekiga, le genre s''est fait totalement absorber. Mais lorsque nous avons inventé ce terme, seuls les koma mangas, en quatre ou huit cases, et quelques rares histoires plus longues qui ne dépassaient pas les deux pages, existaient. C'est Osamu Tezuka, le premier, qui a dessiné un récit long au milieu des années 1940. Cette modernisation formelle nous a totalement influencés dans la création du gekiga. Tezuka était presque un dieu pour moi, d'autant plus à l'époque. L'élément de base, entre son story manga et notre gekiga qui s'ensuivit, est donc le même : c'est le format long. Là où le gekiga différait c'était dans son refus de tenir compte du rire, de la chute et du public enfantin. Le gekiga voulait s'adresser aux gens de notre génération et exigeait de l'espace pour développer de véritables descriptions psychologiques sur un certain nombre de cases. En conséquence nos conclusions étaient pessimistes, nos personnages ordinaires et sombres. On s'adressait aux adultes, on évinçait le rire et l'héroïsme, pour nous rapprocher de l'humain, le plus objectivement possible, à travers des histoires longues. (...) Étymologiquement " geki " signifie " théâtre ". Donc le gekiga est théâtral."



Pour finir, je ne peux pas passer sous silence outre ce dossier, la présence au sommaire de sommités comme Naoki Urasawa, Bong Joon-Ho ou encore Takehiko Inoue.



dimanche 15 septembre 2013

La Chienne

suite et fin de citation : " Personne ne connaissait les feux du désir qui faisaient rage dans mon cœur ".

Man crazy, Joyce Carol Oates, éditions Stock (1997)

vendredi 13 septembre 2013

Furyo tu brûles ta jeunesse





Dans les années 60 la Shochiku convoque plusieurs réalisateurs afin de juguler la désertification des salles en produisant alors des films qui s'adresse à un public bien précis : la jeunesse.
Ironiquement ces films de commande s'émanciperont de leur premier but consumériste pour devenir les porte étendards de la Nouvelle Vague japonaise : Nubulu Bagu.
Contes cruels de la jeunesse et L'enterrement du soleil sont deux des films de ce que l'on a appelé la trilogie de la jeunesse de Oshima et qui sont les premiers jalons de cette Nubulu Bagu émancipatrice.
Les héros de Oshima sont de jeunes adolescents qui ont la rage au ventre et partent en guerre contre la société. Certains en intégrant des gangs, d'autres en s'engageant politiquement. L'engagement politique est inhérent à ces films tant on peut les considérer autant comme des "romans" d'apprentissage que comme des films de didactie politique.
A cette époque les idéologies communiste et anarchiste sont alors largement répandues chez la jeunesse japonaise et les scènes de manifestations étudiantes présentes dans Contes cruels de la jeunesse s'en font l'écho. Le rejet de l'américanisation latente est viscéral chez une partie de la jeunesse. Les illusions sont perdues et la reconstruction du pays se fait dans le désenchantement. Comme Fukusaku dans presque chacune de ses incipits Oshima place son histoire dans un Japon qui est le sien, un Japon schizophrène qui enterre lentement ses traditions au profit d'un capitalisme sauvage, d'une soul frelatée, et d'un whisky qui a le goût de l'amertume. Le marché noir prospère, le temps du millet n'est pas si loin et vient avec la faim qui gronde et se tord au creux de l'estomac de chacun. Alors les enragés se révoltent pour finir lentement asphyxiés par la cupidité et la mesquinerie de leurs voisins. Quand à l'amour il ne se révèle que dans la souffrance et ne se vit que dans la révolte.

Contes cruels de la jeunesse, Nagisa Oshima (1960) 
L'enterrement du soleil, Nagisa Oshima (1960) 



vendredi 6 septembre 2013

Keiichi Tanaami

The Bride Stripped Bare by Her Bachelors (1975) 

Sweet Friday (1975) 

Un pote de Warhol mais surtout de Tadanoori Yokoo.
Je convoite ardemment un coffret édité par Chalet Pointu, qui dresse un portrait de Keiichi Tanaami à travers 14 de ses courts-métrages.
Un petit trailer coupe faim :

A voir aussi ses dessins avec un magnifique fanzine co-édité par Nieves et CaRTe bLaNChe


Hot Step Jump, Keiichi Tanaami, Nieves et CaRTe bLaNChe (2011)
A Portrait of Keiichi Tanaami : 14 Films 1975-2009, Keiichi Tanaami, Chalet Pointu


Le Bolero résonne toujours

L'Etrange festival se tient au Forum des Images du 5 septembre au 15 septembre à Paris.
Ici ou les bons conseils sont déjà dispensés.
Pour ma part j'ai couru acheter mes places pour les deux films en programmation de maître Sono, Bad Film tourné entre 1995 et 2012 et son nouveau Why don't you play in hell.
Le premier, décrit comme un Roméo et Juliette lesbien (eh oui !), est un film réalisé avec son collectif Tokyo Gagaga. Son tournage a totalisé plus de 150 heures d'enregistrement éparpillées entre 1995 et 2012. Une  réhabilitation dans les règles.


Si jamais lundi 9 et vendredi 13 septembre vous assistez aux deux projections et que vous entendez des jappements de plaisir ce sera moi alors soyez indulgents.

 

Un peu de fan service.

lundi 2 septembre 2013

samedi 31 août 2013

L'amour au fond d'un garage

                                
 
  Love comes once, Dead Moon, Strange Pray Tell (1992)

lundi 26 août 2013

Manuel de techniques élémentaires de l'illusionnisme





" The Third Man, que j'ai intitulé malgré moi Oeuvre croisée, représente le stade expérimental de cette technologie. Ce n'est pas l'histoire d'une collaboration littéraire, mais bien plutôt la complète fusion de deux subjectivités dans une praxis, subjectivités qui se métamorphosent en une troisième ; c'est d'ailleurs de cette collusion qu'émerge un nouvel auteur, le tiers absent, invisible et insaisissable, qui décrypte le silence.
C'est donc la négation de l'auteur omniprésent et tout puissant - le géomètre qui tient à son inspiration d'une inspiration divine, d'une mission ou d'un ordre du langage.
C'est aussi la négation de la frontière qui sépare la fiction de sa théorie.
C'est enfin la négation du livre en tant que tel - tout du moins la représentation de cette négation."
Point de suture n°12 appliqué en préface du livre par Gérard-Georges Lemaire.

Oeuvre croisée, W.Burroughs - B.Gysin, (1965), traduction de Gérard-Georges Lemaire, Flammarion

Et voici l'exemple d'un bon élève :


http://derniercrinews.blogspot.fr/2010/10/newsletter-novembre-2010.html


vendredi 23 août 2013

Sophisticated Lady


 C'est plein de violence et de poésie, ça se bastonne au milieu de lampées de whiskie et on y croise des mantes religieuses.

 Le grand sommeil, Raymond Chandler, 1939, traduit de l'anglais par Boris Vian.

lundi 19 août 2013

Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs coeurs



" Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs coeurs de Jens August Schade, le plus grand roman du XXe siècle, et de loin (...) ".
Ivan Chtcheglov

Successivement édité par les éditions Champ Libre en 1978 puis par les éditions Gérard Lebovici en 1991 le livre est trouvable aux éditions Ivrea qui regroupe aujourd'hui les fonds Champ Libre et Gérard Lebovici.
Sous ces trois appellations n'existe qu'une seule et même maison d'édition construite par feu Gérard Lebovici (assassiné en 1984). Son catalogue co façonné par Debord et Lebovici possède l'un des fonds les plus riches en terme d'écrits dada, situationnistes, anarchistes, libertaires, subversifs qui sont les hérauts d'une contre culture contemporaine.
A noter aussi que certains de leurs ouvrages ont été coédités avec la maison d'édition L'Encyclopédie des nuisances (EdN) conduite par Jaime Semprun fils de Jorge Semprun.
Du fils je n'ai malheureusement rien lu mais du père je retiendrai toute ma vie L'écriture ou la vie devoir d'oubli de son expérience concentrationnaire.
Enfin pour les amoureux du livre objet, chacune de leur publication bénéficie d'une fabrication chiadée dont la particularité principale est la composition et l'impression au plomb des couvertures et parfois des blocs intérieurs.
En liens les éditions Ivrea ainsi que les éditions Allia généreux pourvoyeurs en textes situationnistes.

http://www.editions-ivrea.fr/index.php
http://www.editions-allia.com/fr/livre/306/ivan-chtcheglov-profil-perdu
et d'autres écrits de mémoires de Ralph Rumney, Ivan Chtcheglov et son Formulaire pour un urbanisme nouveau, Guy Debord ou Asger jorn.

Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs coeurs de Jens August Schade (1947).

Les picaros de Kinji Fukusaku se protègent du monde derrière des lunettes





" A quand le jour ou une femme pourra parler avec les lèvres de son sexe?
Ce jour là elle fera entendre toute la tristesse de son passé.
Mais même ce jour là tu ne pourras pas comprendre car tu es un homme. “

Les héros de Fukasaku partagent beaucoup de choses.
Tout d’abord ce sont des morts en sursis.
Brûlots nihilistes, le regard tourné vers l’intérieur ce n’est que quand le sang obstrue leurs yeux qu’ils reprennent goût à la vie.
La femme y est une prostituée. Entre malchance et déterminisme social la femme héroïne termine dans un bordel.
Dans leurs solitudes les âmes esseulées sont vouées à se rencontrer et chacun, la pute comme le caïd, devient l’îlot de l’autre.
Dans le lit la pute devient femme et le caïd enfant.
Puis l’enfant devient kamikaze et la mort qu’il porte en lui il la disperse aux quatre coins de la ville.

Guerre des gangs à Okinawa, Kinji Fukusaku (1971)


Current 93, The Frolic, All The Pretty Little Horses (1996)
Dernier cri de désespoir avant que tout s’effondre.

" So lost are we
Oh what have I become
I have become that I hate
I have become that I shall say no

The bird is dead now
alas

A voice whispers to me
And says nothing nothing
There is nothing

I look to my right and see her face again
And again the world disappears “

Je relis Aleister Crowley.
http://www.camionnoir.com/?p=detail_livre&ID=64

Le Sabre du Mal, Kihachi Okamoto (1966)




" A sabre pervers une âme perverse ".

Chambara dépressif qui sonne l’hallali du Japon féodal.
J’ai écouté religieusement la présentation de Julien Sévéon grâce à qui l’on apprend que Okamoto est finalement une sorte de Kitano, plus connu au Japon pour ses films de guerre, burlesques et traditionnels que pour ses visions apocalyptiques dont fait partie Sword of Doom.

Un mot sur Julien Sévéon qui est l’auteur de Le cinéma enragé au Japon aux éditions Le Rouge Profond, livre d’éducation subversive qui brasse Wakamatsu, Guinea Pig, Shinya Tsukamoto et mille autres boules d’opium.

http://www.rougeprofond.com/LIVRES/RACCORDS/enrage/index.html

Un film à écouter.
The Music Room, de Satyajit Ray (1958)

Quand brûle l’asphalte je rugis







L’un des rares livres consacré aux bosozokus.
Vous pourrez admirer les coupes de cheveux magnifiques, notamment sur la très - belle - photo de groupe.
Bosozoku livre photos de Masayuki Yoshinaga.